

Lola Sémonin a un talent fou et un cœur immense. D’abord institutrice, adepte de la méthode Freinet, elle s’oriente vers le théâtre, suit les cours au conservatoire de Besançon où elle reçoit le premier prix en 1983. Son idée : donner la parole à tous et pendant deux ans, telle une ethnologue-sociologue elle recherche au sein de la ruralité, les expressions oubliées de Franche-Comté. Ainsi naît grâce à l’aide de Gérard Bole du Chaumont, le personnage de La Madeleine de Proust. Un succès d’abord régional qui devient très vite national grâce à Pierre Bonte sur Europe 1 et Michel Drucker à Champs Élysées.
Le succès est là, elle sera nominée aux Molière du spectacle comique…
Mais en elle est l’écrivain et quand le rideau tombe sur la scène pour la dernière fois, elle se lance. Elle a entrepris l’écriture d’une saga. La vie de son personnage depuis petite fille (qui lui ressemble ?) jusqu’à nos jours sans doute. Les deux premiers tomes ont paru chez Pygmalion, ce troisième volume voit le jour aux Presses de la Cité… Un quatrième viendra en 2022. Et c’est un bonheur de lecture, de générosité, d’émerveillement. Un roman d’apprentissage aussi.
Notre Madeleine a seize ans en 1940 quand ses parents estiment que pour lui changer les idées, elle a perdu son premier amoureux, il faut aller respirer ailleurs. On l’envoie à Paris où l’attend une famille. Elle sera bonne. Monsieur est fondé de pouvoir dans une grande banque.
Autant dire, qu’elle, la paysanne de la famille Bobillier, va découvrir une autre terre, un autre monde, une langue quasi étrangère.
Nous la voyons dans le train, elle se souvient de chez elle en Franche-Comté. Les gentils, les pas gentils. L’affreux bonhomme le Gustave, un cochon… Elle se souvient de ses parents… Et surtout face à elle, des Allemands un peu rigolos dont elle se méfie n’osant même pas descendre sa valise du porte bagages. Non mais, des fois, que les schleuhs me prenne mes provisions.
Avec son héroïne nous voyons ce que furent ces années. Paris, c’est une forêt de pierres, un autre monde, avec des codes qu’elle ne pouvait pas imaginer. Un langage qu’il faut apprendre. Mais à cœur vaillant rien d’impossible. Et de la vaillance, elle n’en manque pas.
Lola Sémonin écrit de son regard vif, coloré… Transmet ses émotions avec un talent qui n’appartient qu’à elle.
On attend le tome 4