LES PANTHÈRES GRISES, CRIME, COQUILLAGES ET CRUSTACÉS, par Williams Crépin, éditions Albin Michel

L’été arrive et Williams Crépin a la judicieuse idée de nous offrir le tome 3 des aventures de cette sympathique bande en diable qui se nomme les Panthères Grises, toujours prêtes à s’embarquer dans des aventures rocambolesques.

Cette fois, c’est avec Maria, la croqueuse d’hommes, qu’une nouvelle aventure se profile. Il faut imaginer la scène, un amoureux du passé a repris contact avec elle. Youppie, la vie est belle. Cupidon ne l’a pas, malgré un âge avancé, mise au rencart. Sauf qu’il ne s’agit de rallumer le feu, mais d’aider Henri, médecin à la retraite à retrouver l’épouse atteinte de la maladie d’Alzheimer. Cécile a disparu depuis une semaine.

Maria, à peine déçue, n’a aucune peine à convaincre Alice, Thérèse et Nadia de lui prêter main forte. L’aventure fait battre les cœurs. On va pousser jusqu’à Noirmoutier. Une folle occasion de quitter Paris pendant un certain temps. 

Elles ont bon cœur nos mamies flingueuses et ne laissent personne indifférent. La vérité doit triompher. Elles y mettent toute leur énergie, saupoudrée d’un humour ravageur. 

Rien ne sera simple, elles iront de surprises en rebondissements. Et on aime cela.

ROCHES DE SANG, par Olivier Bal, éditions XO

Et on retrouve avec bonheur Olivier Bal qui ne manque pas de surprendre en entraînant lectrices et lecteurs à la suite de Marie Jansens, porteuse d’un passé qui l’a rattrapée.

Elle est inspectrice d’Europol, c’est-à-dire qu’elle coordonne les différentes polices européennes lancées dans des enquêtes complexes. Bien malgré elle, elle va devoir suivre une affaire qui la ramène en Corse. 

Elle croyait avoir trouvé protection et stabilité auprès d’un mari aimant, mais les meurtres terribles avec cette signature écrite en corse « que ma blessure soit mortelle » la plongent dans l’histoire terrifiante des frères Biasini, du Clan Mistral, avec un père terrible, violent et parano. Ange, l’un des fils, est l’un des combattants du Clan. Il veut protéger Théo, son cadet, méprisé par son père. Cette famille a depuis toujours du sang sur les mains et tous ont fini par croire ce fait horrible comme normal.

Marie croyait s’être protégée en cachant une profonde blessure.

Ce roman alterne présent et passé (25 ans plus tôt) et nous entraîne de la Corse en Grèce en passant par Belgrade. Un long parcours pour une rédemption douloureuse.

La psychologie des uns et des autres torturés à souhait, sonne juste, ne peut qu’émouvoir. L’auteur aime la Corse belle et mystérieuse qu’il connaît bien. Il livre des pages très personnelles attachantes, bouleversantes.

Ce roman est parfait. 

ENFANTS À VENDRE, par Kristina McMorris, traduction de l’anglais de Marion Boclet, Éditions City

C’est un roman qui ne peut laisser indifférent et qui évoque la grande misère qui a sévi après le krak boursier de 1929 aux USA.

La crise économique fait rage et des parents abandonnent leurs enfants. Mais le comble de cette situation, c’est que des enfants ont été vendus.

Et voici l’histoire d’Ellis, photographe un peu hors-piste qui, presque par hasard, voit deux gamins devant une maison délabrée. Il y a une pancarte : enfants à vendre. Il prend le cliché, s’interroge vaguement mais est incapable de faire plus.

Or cette photo, au bout de cinq ans d’un travail qui ne débouchait sur rien, va lancer sa carrière, mais avec des effets dévastateurs.

Rongé par la culpabilité, plus ou moins épaulé par Lily, secrétaire dans le même journal, Ellis va tenter de retrouver les gamins. Il veut réparer, mais est-ce possible ?

Ce roman est bouleversant et pose x et x questions sur le travail d’un reporter, témoin des détresses. Jusqu’où aller ? Il y a aussi cette belle amitié amoureuse entre Ellis et Lily, la peinture d’une époque. Et cette éternelle question face à la détresse et à la misère : qu’avons-nous oublié d’essentiel au cours de nos vies ?

LE TEMPLIER DE L’OMBRE, par Mireille Calmel, éditions XO

Le nouveau Calmel est arrivé. 

L’auteure nous emporte au XIVè siècle dans la vallée du Razès, en pays cathare. Margaux de Dente, la narratrice raconte ce 12 février 1306. Son frère André, Chevalier de l’Ordre du Temple, lui a écrit, il revient d’Orient avec l’homme parfait qui sera son mari. Margaux sait que son frère ne la donnera pas à n’importe qui. Clothilde, sa nourrice qu’elle aime comme sa mère se réjouit. Sa petite protégée, qui a perdu ses parents, alors qu’elle était bien jeune, sera aimée protégée.

Or ce 12 février est celui des illusions perdues. André et l’homme parfait ne viendront jamais.

L’auteure nous raconte une destinée de femme forte qui, au nom de la vérité, va braver bien des dangers. Il lui faut changer d’identité, devenir un audacieux chevalier, affronter les félons aux airs faussement doucereux et qui mentent. Cette quête n’est pas sans conséquence. On en veut aux proches des de Dente. La liste des morts s’allonge. 

Il y a un alchimiste et bien des rivalités entre Cathares et Templiers. Qui l’emportera ?

Cette histoire captivante grâce au talent de conteuse de l’auteure, bien documentée, au ton juste, doit s’étendre sur deux volumes.

J’ai aimé les descriptions des lieux, comment on soignait. Margaux nous plaît, on la voudrait heureuse et l’on n’a eu de cesse de lui mentir.

NOUS SOMMES LES SORCIÈRES, par Guillemette de La Borie, éditions Presses de la Cité

Iseult conduit Sylvia, étrange quadragénaire à la beauté sauvage, dans la ferme héritée de sa grand-mère au sein d’une forêt périgourdine.

Elle vit en retrait, fuit ses semblables et il faut attendre d’être au cœur du roman, pour percevoir les raisons de ce mal-être qui la ronge et fait un écran ente elle et le monde extérieur.

Un événement brusque et inattendu va la révéler. Non loin des Anglais se sont installés et un gamin est victime de graves brûlures aux mains. Pourquoi se précipite-telle et le soigne-t-elle ? Se révèle alors un don appartenant à sa famille et dont elle aurait hérité. Le don de « coupeuse de feu ». Sa réputation se répand telle une traînée de poudre : Sylvia Labrousse est une sorcière.

Loin d’être aimée, elle est décriée, accusée de tous les maux y compris par celles et ceux qui viennent en cachette se faire soigner.

L’auteure connaît bien la région et décrit au plus près la nature, les us et coutumes des anciens et un mode de vie qui convient à Sylvia. Elle réapprend la vie dans les gestes les plus simples, se chauffer, prendre soin d’elle, et surtout, elle redécouvre les vertus des plantes dont usait sa grand-mère.

L’arrivée de Sybille, élève infirmière sera-t-elle de nature à guérir et fortifier Sylvia ?

Un beau roman sur la condition des femmes et sur la réconciliation, l’acceptation et l’accueil des personnes différentes.

CONTES PRIMITIFS, AMERS RÉCITS, par Nathalie Fagot, éditions Complicités

Bien que née à Marseille, Nathalie Fagot a passé plus de temps en Lorraine et dans les forêts vosgiennes que dans le Sud. Enseignante à Sciences Po et au lycée Poincaré de Nancy après avoir exercé le métier de journaliste, elle semble ne vivre que par et pour l’écriture. Son récent ouvrage « Contes Primitifs et Amers récits » en est l’exemple.

Que nous dit-elle ? Que veut-elle insuffler en nos âmes assoiffées quand elle se lance dans « Dérives » et évoque ce qu’on n’ose plus appeler ainsi, tant le mot glace : la folie ? C’est la folie d’une mère, sa psychose des poux qui pousse cette femme à se martyriser. La fille, au plus près, observe, l’emmène sur la digue. La mère va et vient, la fille dessine. L’art et l’écriture peuvent-ils être un chemin vers un peu plus de normalité ?

Et ce sanglier qui vient dans les vignes et qu’on va tenter de débusquer un soir à la nuit tombée.

L’auteure n’oublie pas les jardins, si beaux, et qui abritent des plantes trop belles pour être inoffensives. Vous avez vu cette ombelle qui en une nuit se fit une place, sorte de cigüe cruelle et fatale.

La mort et la vie s’épousent, non sans exubérance et somptuosité. Qui protège qui et le faut-il ? La vie n’a de sens que parce que rode et murmure la mort non loin. C’est ce que constatent un frère et une sœur assistant de loin, par le biais de la télé, à la monstrueuse catastrophe qui se déroule en Asie pendant que leur père sombre, rongé par une tumeur au cerveau.

Nathalie Fagot nous offre un recueil ciselé qu’elle déroule comme la toile peinte d’un artiste et qu’on va encadrer.

Toute vie est une œuvre d’art.

LA SOLITUDE DES TEMPÊTES, par Éric Nguyen, traduction de l’américain par Clément Baude – sous la direction de Francis Geffard – Éditions Albin Michel

Quelque part, ce roman nous ramène à la tragédie des boat people, des êtres humains venus du Vietman et qui fuyaient le régime communiste.

Quand Hu’o’ng débarque à La Nouvelle Orléans en 1978 avec ses deux enfants, elle n’a rien, pas d’argent, pas d’ami, ne parle pas la langue anglaise et surtout elle n’a pas de mari. Il est resté au Vietnam. Elle va vivre l’attente folle ; l’espoir de le retrouver s’amenuise. Jamais ils ne seront réunis.

Le temps passe, on survit comme on peut. Ses deux enfants sont bien différents, l’un retourne au pays qu’il ne peut oublier et s’intègre dans un gang. L’autre fils s’affirme, il veut être un Américain et assumer sa différence. Il est gay.

La mère observe, souvent en proie à la tristesse.

C’est le livre sur les conséquences de l’exil et qui pose la question de l’accueil face à tant de détresse et comme si les déchirures intimes, la marche cahotante du monde n’étaient pas suffisantes, voici le terrible ouragan Katrina. Ce bouleversement sera-t-il de nature à réunir pour être plus forts ou brisera-t-il davantage ? 

L’auteur nous offre de superbes pages sur l’errance, l’espoir si faible qu’il faut arracher à la nuit, mais au final, ces luttes nous émeuvent et nous ouvrent l’esprit. Alors les cœurs se mettent à battre. 

Un grand roman aimé, dit-on, par Barack Obama.

ROSE VALLAND, l’espionne à l’oeuvre, par Jennifer Lesieur, postface d’Emmanuelle Polack, éditions Robert Laffont

J’aime quand des auteurs ont à cœur de nous parler d’histoire, de la restaurer et qu’ils en profitent pour sortir de l’oubli, celles et ceux qui ont œuvré à un monde plus beau, plus juste.

Jennifer Lesieur, romancière, essayiste, biographe fut d’ailleurs couronnée du Goncourt de la biographie pour son travail sur Jack London.

Avec la vie de Rose Valland, elle s’est livrée à une enquête judicieuse, repérant une jeune femme, ô combien discrète, qui veillait sur les œuvres d’art que convoitaient les nazis.

Rose, issue d’un milieu modeste, son père était forgeron quelque part en Isère, ne fut pas une jeune femme dont le but était le mariage. Elle aurait pu enseigner le dessin dans des écoles prestigieuses, ses diplômes le lui permettaient, mais elle choisit de continuer à apprendre dans le milieu de l’art. 

Elle habitait une chambre de bonne au Quartier latin, mais son véritable lieu fut le musée du jeu de Paume. Aussi, quand en 1940, Goering entre dans les lieux pour faire main basse sur les Fragonard et Rubens et autres œuvres d’art, sculptures, tapis, commodes d’acajou, elle reste dans l’ombre, mais pas inactive, elle va tenir un carnet où elle note, recense, répertorie ce qui est emporté et où. Elle sait qu’un jour viendra où l’occupant voleur devra restituer à qui de droit ces œuvres d’art. Elle parviendra même à signaler à la Résistance le passage de certains trains quand elle a connaissance de leur destination. Leclerc fera d’elle une « capitaine » qui sauvera ainsi 60000 œuvres d’art.

Mais que savons-nous d’elle ? Elle vécut pendant 30 ans avec une Anglaise de père allemand et tomba dans l’oubli.

Une vie digne d’un roman. Un destin hors du commun dans le repli du secret et d’un sens de la justice, qui montre à quoi sert l’art : à rendre beau et à faire grandir.

Un texte d’une grande qualité littéraire.

SOLEIL OBLIQUE, par Donald Ryan, traduction de l’anglais (Irlande) de Marie Hermet – sous la direction de Francis Geffard- Éditions Albin Michel

 Donald Ryan est né en 1976. Depuis Le cœur qui tourne (rejeté auparavant 47 fois par les éditeurs) il s’est imposé comme l’un des grands de la littérature irlandaise au même titre que John McGahern et a reçu prix et reconnaisance

Soleil oblique est un recueil de nouvelles, parfois cruelles qui sont des instantanées de vie ; un cambriolage qui tourne mal, un gars qui sort de prison et se lie d’amitié avec la mère de la jeune fille qu’il a tuée dans un accident de la route, un groupe de potes bien décidés à faire justice après un viol commis, sans oublier ce prêtre irlandais qui croit en la jeunesse et aux vertus du sport. 

Il y a, dans l’écriture de l’auteur, cette graine d’espérance que la nuit la plus obscure ne parviendra pas à ternir. L’Irlande, sous la plume de l’auteur, nous émeut, elle est et veut exister jusque dans ses contrées oubliées.

TU SERAS PRINCESSE DE TARRAGONE, par Brigite Piedfert, Éditions Calmann-Lévy

J’achève la lecture de « Tu seras princesse de Tarragone » éblouie, émerveillée par l’histoire se déroulant au 12ème siècle et évoquant l’histoire du terrible Guillaume Capra, un anglo-normand de Sidmouth, veuf, avec pour héritière Sybille, élevée tel un chevalier, celui que le Ciel ne lui a pas donné.

Qu’importe, il la flanque en mariage (à peine pubère) à Robert Burdet, un petit seigneur normand, un rustre (qui cache son jeu) en offrant une superbe croix rapportée de croisade.

Sibylle ne peut qu’obéir. Sa nourrice et mère de Galtier (être bossu et généreux, compagnon de toujours de la très jeune fille) et d’Agnès devrait l’accompagner en Normandie. Mais elle meurt, Galtier et Agnès seront donc du voyage, ce qui adoucit le chagrin.

Burdet va repartir combattre les Sarrazins au nom de la vraie foi, mais surtout pour obtenir Tarragone dont Sybille serait la princesse, honneur très envié par une concubine, autrefois proche de Sibylle.

On voit Sybille combattre, entraîner d’autres femmes pour une cause qu’elle estime juste. Mais on voit aussi ses désillusions, sa solitude face aux trahisons.

Roman fougueux, riche de courage et vaillance.

La peinture cruelle d’une époque est bien brossée, traversée par une belle âme, pure et généreuse.

À lire !