

Ce Dernier Mouvement de Robert Seethaler est, pourrait-on dire, le final d’une symphonie inachevée, la vie de Gustav Mahler.
Sur le paquebot Amerika qui le ramène en Europe, après l’ultime saison passée à New York, le chef d’orchestre et compositeur se souvient de sa vie de musicien, de ses espoirs…
Le jeune garçon attaché à son service, lui apporte à boire, veille à son bien-être, l’appelle le directeur… Il s’en défend… Il est plus qu’un serviteur, ou s’il est un serviteur, il est dépeint comme étant celui qui accueille et préserve ce qui peut encore l’être. Il écoute aussi…
Que fut la vie de Mahler, né au sein d’une famille juive, mais attiré par le mysticisme catholique ? Quelles furent ses amours ?
Il rencontre Alma, de dix-neuf ans sa cadette… Elle était belle comme le jour… Fille d’artistes… De leur union sont nées deux filles, dont l’une, Maria, mourut très jeune de la diphtérie (sous la plume de l’auteur). L’air vint à lui manquer… Le couple qui s’est tant aimé –Alma admirait son époux– se délite. Alma est tombée amoureuse de Gropius, qui fait attention à elle. Gropius est un architecte avant-gardiste…
Mahler est sur le pont du bateau, emmitouflé de couvertures, saisi par la fièvre. Il pressent sa fin. Il n’a jamais été d’une santé robuste, n’a jamais pris le soin de veiller sur elle. La musique était première… Et jusque-là, il est toujours parvenu à vaincre, à reprendre la baguette, à diriger Beethoven et tant d’autres… Il a réussi le tour de force de moderniser l’Opéra de Vienne qu’il a dirigé pendant dix ans… Il osait réinterpréter… Mais la mort rode… C’est donc ça mourir ?
En peu de pages, l’auteur de ce roman, suggère, décrit les tourments du musicien, son humilité, ses blessures, ses aspirations, son mariage dans l’édifice sombre où la clarté est celle du oui à Alma… et les retraits pour créer. La musique est parfois plus redoutable qu’une maîtresse… Il n’omet pas la rencontre avec Freud, car Mahler tente de comprendre l’éloignement d’Alma qu’il ne cesse d’aimer.
Mais en ces jours, sur le paquebot, face à l’océan et aux vagues tumultueuses, face à l’oiseau qui se pose et s’envole, Mahler sait qu’est venu l’instant de poser la baguette, celle qui dirigea la musique et sa vie… Sa vie était musique. Les partitions, son guide sur lesquelles s’écrivaient mille je t’aime, sur lesquelles la nuit et le froid tombent… Nous restent cette puissante méditation quand le corps descend en terre… Alors le chant des enfants morts peut s’élever. Ultime fécondation.
Bravo !