

Voici un roman d’une grande force, d’une grande beauté et la découverte pour nous en France d’une auteure qui écrit depuis dix ans en Irlande et qui n’a jamais été traduite chez nous.
Sabine Wespieser y remédie. Louée soit-elle !
Parler de Belfast n’est sans doute pas aisé. Jan Carson, l’auteure y est née. Elle sait. Elle pouvait attraper l’histoire et nous l’offrir.
Les Troubles ont cessé en 1998, mais la cendre est encore là, presque chaude et tout le monde le sait.
Ce qu’évoque l’auteure, c’est l’année 2014 à Belfast qui restera celle des Grands Feux au début de l’été. Ne surtout pas confondre avec la grande parade orangiste de chaque 12 juillet, où malgré l’interdiction, depuis la tragique période des Troubles, ils sont interdits mais s’embrasent cependant. Chaque 12 juillet, catholiques et protestants s’en donnaient à coups et à cœur joie… et larmes et soupirs suivaient.
Pour raconter ces trois mois de 2014, Jan Carson se penche vers deux hommes que tout pourrait rassembler, mais que tout oppose. C’est d’abord le portrait de Jonathan Murray, médecin qui porte le poids d’une nuit aussi chaude qu’enchanteresse. Un douze juillet, il a répondu à un appel et rencontré une femme hors du temps qui a fait basculer sa vie. Un enfant est né, un enfant qu’elle n’a pas regardé et que Jonathan élève dans une grande angoisse. Et s’il était comme elle… Il guette sur son visage et dans son allure quelque chose qui rappellerait sa mère…
L’autre homme, c’est Sammy Agnew, un paramilitaire loyaliste qui redoute d’avoir transmis à son fils la violence qui fut la sienne et fut cause de tant de souffrance pour ceux qui eurent à la subir.
Or, alors que nous parlons des lanceurs d’alerte de nos jours, qui dénoncent les mauvaises pratiques de grands groupes ou sociétés, cet été-là, en Irlande, à Belfast circule une vidéo « Lanceurs de feu ». On y voit une silhouette noire brandissant des pancartes incitant à propager ces feux… L’Irlande serait-elle prête à se déchirer ?
Sammy croit reconnaître son fils…
Jan Carson montre l’ambiance, le ressenti de l’Irlande du Nord, la panique n’est pas loin. Parfois, sur un trottoir on est protestant et sur l’autre, catholique. Mais on ne se connaît pas. On s’ignore. Même attitude au sein des forces de l’ordre et des manifestants, et entre riches et pauvres. Habitants d’un même pays, frères en humanité et incapables de se regarder, de s’apprécier.
Cette année-là, ces deux pères que tout oppose dans leurs idées et leurs engagements partagent cependant la même chose et les mêmes interrogations sur le devenir de leur progéniture. Ce sont leurs enfants qui feront l’Irlande du Nord de demain. Si rien n’est perdu, rien n’est gagné, loin s’en faut. Si rien n’est perdu, Sammy peut dire à Jonathan, « il suffit d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté de la rue… »
Il faut lire ce livre qui dépasse de loin l’histoire de l’Irlande du Nord et la guerre entre protestants et catholiques, il faut comprendre la puissance de ces écrits qui interpelle tout un chacun. Nous sommes des lanceurs de feu, à un moment ou à un autre quand nous cédons à la violence, fermons les yeux et les oreilles alors qu’une main tendue serait l’eau, source du meilleur.
L’ouvrage de Jan Carson fait partie de la première sélection du prix Femina, croisons les doigts !
L’atmosphère m’a plue, envoûtée presque, mais je l’ai malgré tout trouvé un peu déséquilibré, comme si les trois parties du récit (Sammy, Jonathan et Belfast) s’entre-dévoraient sans parvenir à se lier concrètement. Mais tu en parles magnifiquement bien.
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Merci, merci
Elise
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