On peut être philosophe, enseigner à l’Université de New York d’où l’on dirige La Maison française, avoir écrit de nombreux essais traduits dans plusieurs langues, entre autres chez Gallimard, Flammarion avoir réfléchi sur Édouard Glissant, puis sur Sartre (2020) et avoir publié Pour en finir avec la généalogie (Léo Scheer) et justement être rattrapé par cette science à l’occasion d’un colloque à Sainte Anne. 

C’est le cas de François Noudelmann qui offre un premier roman très personnel. Son narrateur a voulu comprendre son père et son grand-père. Que lui ont-ils transmis ? Le grand-père Chaïm, venu de Lituanie avait fui les persécutions. Là-bas, comme dans l’empire russe, on pourchassait les juifs. La France l’accueille. Reconnaissant, Chaïm s’engage en 1914 aux côtés des soldats français. Comme s’il avait une dette à payer. Son matricule porte bien la mention « Juif, engagé volontaire ». Il combat et reçoit une bombe de gaz moutarde. La moitié du cerveau endommagé, il laisse une épouse, mère de famille et mourra bien après dans un asile à Cadillac en Gironde dans une terre réservée aux anonymes. 

Albert, le père du narrateur n’a guère plus de chance. Pendant la seconde guerre, Dénoncé comme juif, il est fait prisonnier envoyé dans les camps. Il mettra plusieurs semaines pour revenir à pied de Pologne. Si l’auteur de ces pages savait certaines choses, il n’éprouvait pas le besoin d’en connaître davantage. Or, le passé le rattrape. Il cherche, enquête. 

C’est bien parce que ses ancêtres étaient juifs que ces malheurs sont survenus. Et voici la question de l’identité qui le rattrape. Qu’est-ce qu’être juif, surtout quand on ne pratique pas cette religion ? Est-on marqué du sceau du juif à sa naissance ? Pourquoi les juifs sont-ils haïs ?

L’auteur nous bouleverse quand il raconte cet étrange pèlerinage à Cadillac juste au moment où l’on commençait à réhabiliter la mémoire de ce peuple meurtri. Il arrive à Cadillac et l’on rénove… La terre accueillant les inconnus morts dans l’oubli et où se trouvait Chaïm est livrée aux pelleteuses. La dépouille du grand-père est réduite en poussière. Chaïm ne reposera pas en paix. Il va rester un mort sans sépulture. Déjà que la France ne l’a pas compté parmi les soldats « morts pour la France ». Il était dans un asile après la bataille…

Il découvre cependant le nom de Chaïm (il y en a 3000) qui figure sur une stèle funéraire avec les dates qui lui correspondent. Ouf !

L’auteur a sans doute éprouvé des sentiments contradictoires. Mais les allers et retours entre la France et l’Amérique ont tissé chez lui, une soif, une appartenance à une terre, la terre de France, une histoire de famille qui existe grâce à Chaïm…

Magnifique ouvrage qui dit tant de choses sur l’humain et ses errances.

François Noudelmann sera au Livre sur la Place à Nancy du 10 au 12 septembre 2021 et participera à une table ronde « Remonter le cours de l’histoire » au Forum Radio France, France Bleu-Ville de Nancy, animée par Sarah Polacci, le dimanche 12 septembre à 14 h aux côtés de Thierry Hesse pour « Une vie cachée » (L’Olivier) et Emmanuel de Waresquiel pour « Tout est calme, seules imaginations travaillent » (Tallandier)

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2 commentaires sur « Les enfants de Cadillac, par François Noudelmann, éditions Gallimard »

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