Seyoum ne se cache pas : de l’espoir, il a fait son fonds de commerce. Il sait la détresse, la misère, le besoin d’un autre ciel des personnes qui arrivent sur les côtes libyennes. Lui-même a le cerveau dévoré par le khat et l’alcool. Alors ???

L’auteure nous raconte les arrivées de la misère et soudain, devant Seyoum, le passé se dresse devant lui. Il se souvient de son pays, de l’Érythrée, c’était là-bas. La dictature, les siens terrassés, détruits à jamais. L’enrôlement. Il revoit cette vie au sein de la famille, les derniers moments de paix : « On va fêter les derniers accords de paix avec l’Éthiopie. Pourtant je ne sens pas de gaieté particulière dans la maison, au contraire. Grand-père ne m’entend pas descendre l’escalier. Il examine son profil dans le miroir de l’entrée. Même de profil… »

C’était à Asmara en 2000. C’est peu après, qu’il découvre ce qui se trame, collé contre Madiha, un soir de promenade. Le père de Madiha et le sien perçoivent ce qui se trame. Un journal va être interdit. Le basculement dans la dictature est inéluctable. Ses yeux s’ouvrent tout à fait. Que viendra cet amour éprouvé pour la jeune fille ? Sera-t-il à même de les sauver de la barbarie ? 

La vie est compliquée. La marche du monde bien davantage. Il y a eu la détention. Seyoum a vécu la torture. Il a pu fuir. Mais qu’en est-il de cet amour ? Était-il déjà trop tard ? Comment faire taire les assauts de la vie d’avant ? 

La vie à tout prix. La vie pour soi ou ce que l’on croit être la vie pour garder la tête hors de l’eau. Un besoin d’exister, de tout quitter, tant pis s’il faut en finir avec l’autre qui devient un objet. Les remords n’ont plus leur place.

Stéphanie Coste, dont c’est le premier roman a vécu en Afrique entre le Sénégal et Djibouti. Son écriture est d’une rare force pour conter des faits que nous connaissons, voulons ignorer. Telle une chirurgienne, elle ouvre, dissèque, plonge dans les chairs. Elle extrait cette folie humaine qu’elle nous donne à voir. Sera-ce suffisant pour que soit trouvé le remède ? Que faire ? Pouvons-nous rester insensibles ?

Un roman nécessaire, indispensable, pour voir enfin.

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2 commentaires sur « Le passeur, par Stéphanie Coste, éditions Gallimard »

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