Karine Silla, dramaturge, réalisatrice et scénariste, mais aussi romancière de talent, s’est intéressée à une jeune femme du Sénégal, née en 1920 au milieu des forêts de la Casamance, dans le sud du Sénégal.

Elle pouvait le faire en écrivant une biographie classique. Mais elle a choisi de camper l’histoire d’Aline en la replaçant dans le contexte vrai du Sénégal, de l’Afrique, de la colonisation tout en nous montrant les différents points de vue, ceux des habitants de l’Afrique et ceux des colonisateurs parfois animés de « nobles sentiments. »

Qu’a-t-elle eu de particulier Aline Sitoé Diatta, cette belle enfant écoutant les contes de Diacamoune, le meilleur conteur du village ? On la compare à Nehanda, sorte de déesse, guerrière assoiffée de paix qui aurait reçu l’âme d’un lion qu’une flèche venait d’atteindre ?

Aline écoute ce conte qui lui parle, la bouleverse. Elle est une Diola, peuple fier, dont se méfie les colonisateurs qui ne veulent pas faire la guerre, mais apporter le progrès à des peuplades réputées indolentes. 

Diacamoune lui croit en la France, à son amitié. Il a combattu aux côtés des Français et tous regardaient le soleil en même temps : « Nous avions les mêmes ennemis et la même patrie. L’Afrique et la France liées par le sang des soldats courageux qui se battaient ensemble pour l’avenir de leurs enfants. On pensait qu’un jour viendrait où la France et l’Afrique deviendraient un même pays, qui comme des jumeaux pendus au sein de leur mère se nourriraient des richesses de chacun. (…) Je l’ai vu, je l’ai cru. »

Bercée par les souvenirs du vieil homme et par les contes, entourée de l’admiration qu’il lui porte, elle y croit… Et décide de quitter le village pour aller travailler chez des colons à Dakar.

Martin et Marguerite se sont installés sur cette terre et l’auteure nous montre les mentalités de ces colons avec une justesse de ton qui aujourd’hui peut choquer. Avec les meilleures intentions du monde, on sème les graines du mal. L’analyse de Martin à propos des Africains peut choquer. « Certains indigènes restent complètement indifférents face à tous ces avantages nous regardant même avec un certain mépris et je dois avouer que cette ingratitude est tout à fait désagréable voire mortifère (…) C’est rageant de vouloir aider des gens qui préfèrent se laisser mourir plutôt que d’accepter la main qu’on leur tend. (…) Il est si difficile de faire comprendre au nègre l’importance du travail. »

Aline entend des voix, lui ordonnant de libérer son peuple… Car, écrit l’auteure, de tout temps, en tout lieu, des personnes se sont levées face à l’injustice… Aline est de celles-là, « Elle a foi en l’absolu, propre à son jeune âge, n’hésitant pas à haranguer les foules médusées par tant d’aplomb, dans un monde où les blancs sont tout-puissants (…) à mettre sa vie sur la ligne de mire pour défendre l’opprimé. »

Aline est « La Jeanne d’Arc du Sénégal » et va devenir la personne à abattre.

Karine Silla a parfaitement su renouer avec ses origines. Elle a su user des contes, insuffler le chant de la terre jusqu’à l’envoûtement. Elle seule pouvait libérer de l’oubli Aline. Question de dignité ! Qu’elle en soit remerciée.

À lire, à faire lire impérativement !

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s