

Alors qu’on a dit merci et applaudi les soignants pendant les semaines de confinement, Michèle Gazier écrivait… avec pudeur et réserve, avec infiniment de talent et ce, depuis toujours…
Voici l’histoire de quelques infirmiers dans un cabinet médical à Montpellier. Leurs patients sont essentiellement des personnes âgées qui ont certes besoin de soins, du fait de maladies chroniques, plus ou moins graves, mais aussi de chaleur humaine. Ces patients sont parfois seuls. Les enfants sont loin, les amis ont disparu… Les soins sont donc pour eux une fenêtre qui s’ouvre sur le monde de l’extérieur. Les soignants oeuvrent. On panse, on pense aussi et c’est un peu de soleil qui entre dans leur vie assombrie.
L’auteure donne la parole aux personnages. Et l’on entre ainsi dans leur quotidien et dans celui des patients. On découvre la vie de ces invisibles, leur rythme, trois semaines de soins pour une semaine de repos. Et voici évoquée la crainte des soignants après le coup de sonnette chez les patients. On tend l’oreille si la porte ne s’ouvre pas. Un cri étouffé, un râle ou un silence qui déjà broie l’âme. Qui appeler ? Les enfants sont la plupart du temps injoignables, un voisin qui aurait les clés ? Ou les pompiers ?
Parmi ces patients, madame Prat, diabétique, qui craint de se piquer à l’insuline seule. Cette femme froide a un caractère un peu particulier sauf avec Lilas, l’une des infirmières, la plus jeune… Question : madame Prat pourrait être Esther ? Un prénom qui réveille bien des questions… Un secret de famille n’est pas loin… En tout cas, le mystère Esther se profile.
Michèle Gazier déroule avec subtilité et délicatesse, tout en ménageant le suspense jusqu’à la chute, les motivations de ces soignants, ces vies au jour le jour, ce qu’elles cachent d’ombre et de lumière et ce qu’elles nous disent de nous-même. Ces passantes venues apporter chaleur et bonté dont nous avons tant besoin, qui entrent –malgré elles– dans la vie et l’intimité des gens n’est pas chose simple, dit Madeleine. « Je crains toujours que, sous couvert de soins, l’un ou l’une de nous n’outrepasse les limites de la relation ordinaire entre patient et soignant. La marge est si étroite. »
Marge étroite que montre l’auteure, qui esquisse et dessine ces vies oubliées pour que nos cœurs s’ouvrent à l’indicible.
Un roman d’une grande finesse à lire et faire lire.