Pourquoi, comment entre-t-on en écriture ? Une partie de la réponse à cette question se trouve dans les pages du livre d’Hélène Gestern qui confesse « avoir eu envie d’écrire, à travers la vie d’Armen Lubin, la biographie de l’écriture. »
Mais qui est cet homme né en 1903 et mort en 1974 ? Il est né à Istanbul et s’appelait Chahnour Kérestédjian. Persécuté comme ses compatriotes arméniens, il quitte la Turquie en 1923. Il fera la douloureuse expérience d’être un apatride. Qu’est-ce qui pourrait bien sauver Armen Lubin, lui redonner le goût de la vie et de la beauté ? Les mots, la poésie ?
Il va rencontrer Jean Paulhan qui le publiera chez Gallimard et sera l’ami de Madeleine et Jean Folain ainsi que d’Henri Thomas. Hélas, il lui faudra faire face à la tuberculose sous une forme douloureuse, handicapante, le mal de Pott.
Le livre est illustré de photos. On suit le poète et on s’interroge, pourquoi, mais pourquoi tant de mal, de solitude ? Il a gardé pour lui l’essentiel de sa souffrance… Osait-il dire vraiment au peu d’amis ce qu’il ressentait ?
Pour travailler sur ce sujet, dont on sent qu’elle ne peut se défaire, de longs mois voire des années ont été nécessaires à Hélène, elle a perçu une parenté avec lui. Elle vient d’une famille qui a aussi quitté son pays et elle est à même de comprendre les silences maternels, le mal être qui pouvait la saisir. Est-ce que l’arrachement à une terre, la reconquête d’une autre, l’abandon d’une langue pour l’emprunt d’une autre sont de nature à faire naître le désir d’être avec des mots ceux du présent qui ont endormi ceux de l’origine ? En même temps qu’avec les mots, elle dessine le portrait du poète et retrace son itinéraire, de sanatorium en hôpital ou en maison de santé, elle évoque son histoire, la sienne. La douleur d’Armen réveille celle d’Hélène. Et l’émotion nous vient, palpable. Les chapitres alternent, se répondent. La vie d’Armen et la sienne. Les amours blessés aussi. Jamais Hélène n’était allée aussi loin dans les révélations qu’elle offre. Car c’est un cadeau que celui des mots qui sur une page, comme sur plateau, ou dans la main qui les rassemble jusqu’à former un bouquet d’exceptionnelles senteurs. Hélène est l’écriture, sans elle pas d’oxygène, pas de sens au destin révélé.
Qu’est-ce qu’écrire ? Est-ce un chemin que l’on trace mot après mot pour oser marcher vers la lumière ?
Ce livre est une merveille. Lisez-le, offrez-le !
Dans le cadre du Livre sur la Place, Hélène Gestern participera à une table ronde « Profession écrivain » en compagnie de Pierre Assouline (Tu seras un homme mon fils, chez Gallimard) et de Frédéric Pajak (Manifeste incertain chez Noir sur Blanc). C’est Sarah Polacci qui animera la rencontre le
Samedi 12 septembre à 18 h 00 à la Préfecture de Nancy.